dimanche 3 février 2013


Google et les éditeurs de presse enterrent la hache de guerre

Par Fabienne Schmitt | 01/02 | 18:29 | mis à jour le 03/02 à 16:13 | 7commentaires

Un fonds de 60 millions d'euros, abondé par Google, va être créé pour financer les projets numériques de la presse. Le géant du Web américain va aussi aider les éditeurs français à mieux monétiser leurs audiences.

Eric Schmidt, le patron de Google et François Hollande - AFP
Eric Schmidt, le patron de Google et François Hollande - AFP
Soixante millions d'euros : c'est le prix que va payer Google pour calmer le courroux de la presse française ! A l'issue de trois mois de négociations-marathons, les éditeurs de presse et le géant américain ont réussi à trouver un terrain d'entente. Les premiers, parmi lesquels le quotidien « Les Echos », souhaitaient que Google paye pour référencer les articles de presse, lesquels lui permettent d'engranger des revenus publicitaires. En cas d'absence d'accord, François Hollande avait menacé d'en passer par l'arme de la loi. Finalement, les parties se sont entendues sur la création d'un fonds de 60 millions d'euros abondé par Google et destiné à financer les projets de la presse en matière de numérique. Un autre volet de l'accord prévoit, comme cela s'est fait avec la presse belge il y a quelques mois, que Google aide les éditeurs à monétiser leurs audiences via un recours préférentiel aux instruments commerciaux de Google qui sont AdSense, AdMob ou encore AdExchange.
La nouvelle a été annoncée en grande pompe à l'Elysée vendredi soir par François Hollande et Eric Schmidt, président du conseil d'administration de Google, qui avait fait spécialement le déplacement à Paris, le premier saluant un « événement mondial dans l'histoire des médias ». Aujourd'hui, cependant, tous les détails ne sont pas réglés. Seul un accord de grands principes est signé, il reste à définir les conditions, notamment sur l'aspect commercial de l'accord.

Engagement sur la durée

La presse, qui a réussi à faire plier le géant américain, doit-elle se réjouir ? Si l'on additionne les deux volets de l'accord, on se rapproche probablement de ce que souhaitaient obtenir les éditeurs de presse au départ, soit entre 80 et 100 millions d'euros, d'après nos informations. Sur la forme, l'accord reste éloigné de ce que voulait la presse à l'origine : un prélèvement d'année en année sur le chiffre d'affaires de Google, estimé entre 1,2 et 1,4 milliard d'euros en France, ce qui aurait garanti une source de revenu pérenne aux éditeurs. Mais cela aurait été complexe à mettre en oeuvre sur le plan juridique. Comment prouver les vrais revenus de Google qui ne déclare que 150 millions de chiffre d'affaires dans l'Hexagone ? François Hollande a cependant indiqué que, une fois le fonds épuisé, il convoquerait une « nouvelle conférence de presse » avec Google, laissant ainsi entendre que les engagements de l'américain devaient s'inscrire dans la durée. Le géant californien, lui, estime préserver l'essentiel en évitant cette « rémunération équitable » que revendiquaient, au départ, les éditeurs de presse et à laquelle il s'opposait catégoriquement.

Un accord à bon compte ?

Ses conséquences auraient pu être dévastatrices pour le moteur de recherche, si chaque pays avait ensuite appliqué le même système. Et s'il finit bien par payer, finalement, une petite centaine de millions d'euros, cela reste modeste à l'échelle de Google, dont le bénéfice net s'établit à 10,7 milliards dans le monde, pour un chiffre d'affaires dépassant les 50 milliards en 2012.
La presse française a donc son chèque. Même si elle aurait probablement préféré que cela prenne une autre forme que celle d'une fondation, qui apparaît comme une subvention supplémentaire au-delà des aides publiques.
Ironie du sort, les « pure players » de l'Internet (Mediapart, Slate, Atlantico...), ceux-là même qui n'ont eu de cesse de critiquer la démarche des éditeurs de presse vis-à-vis de Google, sont intégrés dans l'accord. Au même titre que la presse quotidienne nationale et régionale et les magazines d'information politique et générale. Tous pourront faire financer leurs projets numériques par Google. Mais pas la presse de divertissement et de récréation. Cette dernière ne devrait pas rester sans réaction. Un deuxième round s'annonce pour Google.
Google et les éditeurs de presse enterrent la hache de guerre

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